Des algues bleues pour une roche noire

Le mot Inselberg est composé de deux termes signifiant île (Insel en allemand) et montagne (Berg).

C’est bien à des îles émergeant de la forêt que font penser ces petites montagnes de granit dont la plus haute culmine en Guyane à 740m. On compte environ 200 Inselbergs en Guyane, avec une plus forte concentration dans le Sud.

Lorsque l’on se trouve au sommet de l’une d’entre elles, on bénéficie d’un panorama fantastique sur la forêt qui s’étend tout autour.

Végétation basse des Inselbergs

La végétation basse des Inselbergs est adaptée à des conditions drastiques de sécheresse © Sophie Gonzalez/IRD

Les Inselbergs, aussi appelés « savanes-roches » en Guyane peuvent également se présenter comme de grandes étendues plus ou moins plates de granit dénudé.

Si vous allez vous promener sur l’une des plus facilement accessibles de Guyane, la savane-roche Virginie, prenez soin, si le temps est à la pluie, d’éviter de marcher sur la roche nue mouillée, rendue extrêmement glissante.

C’est une plante qui lui donne ses allures de patinoire. Mais quelle plante ? On ne voit rien, que de la roche noire.

C’est que cette plante est microscopique.

C’est une algue bleue, encore appelée Cyanobactérie.

Les Cyanobactéries sont connues pour être capables de coloniser d’autres milieux hostiles comme les laves de volcan ou les sables du désert.

Ce sont aussi les plantes pionnières des Inselbergs, ce qui signifie qu’elles sont les premières à coloniser la surface de cette roche, dont la température atteint 50°C, et jusqu’à 75°C en saison sèche.

Ce sont elles aussi qui lui donne sa teinte noire caractéristique. Ce sont elles qui préparent le terrain pour l’installation des plantes vasculaires.

Et en effet, elles préparent littéralement le terrain, puisqu’elles sont capables d’altérer cette roche si dure qu’elle a résisté à l’érosion mécanique subie par le bouclier des Guyanes.

Elles interviennent ensuite dans la création des premiers sols de la savane-roche en construisent des croûtes qui permettront, avec l’action combinée de l’eau, l’installation des plantes vasculaires.

Survivre sous un soleil de plomb

La végétation des Inselbergs présente de nombreuses formes de transition allant du rocher nu, couvert de cyanobactéries pionnières, à la forêt haute humide.

L'inselberg de la roche Koutou © Sophie Gonzalez

L’inselberg de la roche Koutou © Sophie Gonzalez/IRD

Ici, les végétaux ont à faire avec des conditions drastiques de sécheresse et de fort ensoleillement qui n’ont pas leur équivalent dans la forêt environnante.

On y trouve des végétations basses, adaptées à ces conditions ; couverts herbacés, continus ou discontinus, des fourrés arbustifs, la forêt basse, chacune de ces formations correspondants à des conditions physiques et écologiques particulières.

Les espèces colonisant la savane roche sont pour certaines strictement inféodées aux savanes roches des Inselbergs et on ne les retrouve pas dans la forêt environnante.

Les grandes familles d’Herbacées représentées sont les Orchidaceae, Broméliaceae, Cyperaceae et Poaceae.

La plupart des espèces présentent des adaptations morphologiques à ces conditions fortement contraintes de sécheresse.

Certaines ont développé des feuilles coriaces, à cuticule épaisse ou à forte pilosité, qui limitent les pertes d’eau par transpiration. D’autres constituent des réserves d’eau au moyen de leurs feuilles et tiges succulentes.

Les pseudo-bulbes de certaines orchidées constituent également des réserves d’eau.

Les savanes roches abritent une flore vasculaire extrêmement diversifiée et l’on peut y observer, à quelques mètres de distance, des espèces adaptées à la sécheresse et à la chaleur (principalement Bromeliaceae, Orchidaceae, Cyperaceae) aussi bien que des espèces de zones humides (hygrophiles), présentes dans les mares gravillonnaires en saison des pluies (Eriocaulaceae, Lentibulariaceae et Xyridaceae).

Ces espèces hygrophiles disparaissent toutes en saison sèche, lorsque les mares temporaires s’assèchent.