Lors de la séance du 17 mars 2023, le prix Gandoger de Cryptogamie 2023 a été attribué à Georges Cremers, notamment pour son travail sur les Ptéridophytes des Guyanes.
Georges Cremers est né à Bruxelles en 1936 et a suivi sa scolarité à Paris avant de poursuivre ses études en Belgique pour devenir Ingénieur en Agriculture tropicale en 1959. Il a ensuite travaillé au Congo Belge et en Côte d’Ivoire avant de rejoindre l’ORSTOM à Abidjan. De 1962 à 1970, il a été affecté au laboratoire de l’ORSTOM en Côte d’Ivoire, où il occupait le poste de gestionnaire de l’herbier. C’est là qu’il a fait la rencontre de Francis Hallé, avec qui il a entamé une thèse sur l’architecture des lianes, malheureusement interrompue en raison d’une nouvelle affectation. De 1970 à 1975, Georges Cremers a été basé à Madagascar, toujours en charge de la gestion de l’Herbier. Mais il a été contraint de quitter à nouveau son poste suite au changement de régime politique. Cette situation l’a amené à abandonner un second sujet de thèse portant sur l’architecture des Euphorbia.
Après une année au Muséum à Paris, c’est finalement en août 1976 que notre chère Guyane t’accueille.
De 1976 à 1998, Georges Cremers a occupé le poste de Conservateur de l’Herbier de Guyane. Pendant cette période, il a entrepris un troisième sujet de thèse portant sur l’architecture végétative et la structure inflorescentielle de quelques Melastomataceae de Guyane. Et le 22 mars 1983, il a obtenu son doctorat de 3ème cycle en biologie et physiologie végétales à l’université Louis Pasteur de Strasbourg et sa thèse a été publiée par l’ORSTOM en 1986. Mais Georges Cremers a commencé à publier dès 1967 bien avant l’obtention de son doctorat, et il compte aujourd’hui à son actif plus de 112 publications scientifiques. Ses recherches en Afrique ont principalement porté sur l’architecture des lianes, ainsi que sur les Characeae. À Madagascar, son intérêt s’est porté sur les Euphorbiaceae. En Guyane, il a initialement travaillé sur la flore générale, puis s’est spécialisé à partir de 1987 sur les ptéridophytes, tout en étudiant d’autres groupes et familles, telles que les Orchidaceae et les Melastomataceae (notamment avec Claire Martin de Foresta). Le travail de Georges Cremers a contribué de manière significative à l’étude et à la compréhension de la diversité végétale, en particulier dans les régions où il a exercé ses recherches. Ses nombreuses publications attestent de son expertise et de sa passion pour la botanique.
De l’exploration des Ptéridophytes à l’héritage des botanistes anciens
Il devient alors responsable des Ptéridophytes pour le programme « Flora of the Guianas » (FOG) et travaille en étroite collaboration avec Karl U. Kramer, de Zürich. En parallèle, grâce à ses échanges avec Gérard Aymonin dans les allées du Muséum, il développe un vif intérêt pour les travaux des botanistes néotropicaux anciens tels qu’Aublet, Fée, Glaziou, l’Herminier, les frères Schomburgk, et tout particulièrement , le père Charles Plumier (1646-1704) qui est presque devenu un ami proche.
Ses recherches ont abouti à la publication de nombreux articles, notamment dans le Journal de Botanique de la « SBF » (Société Botanique de France), tels que les articles sur le père Charles Plumier qu’il a rédigés en collaboration avec Michel Boudrie. Le troisième épisode de cette série reste à finaliser pour clore le sujet. Parmi ses ouvrages les plus importants, on peut citer les flores de la région côtière de Guyane, les 8 volumes de « l’Inventaire taxonomique des plantes de Guyane française » réalisés en collaboration avec Michel Hoff, dont la publication s’est échelonnée de 1990 à 2000. Il a également contribué aux fascicules « Flora of the Guianas » en collaboration avec Karl U. Kramer, Alan R. Smith et Robbin C. Moran. En 2002, le livre intitulé « Guide des plantes vasculaires de la Guyane française centrale », auquel il a collaboré avec Scott Mori, a été honoré de la médaille d’argent Engler de l’Association Internationale de Taxonomie des Plantes (IAPT). Il a également publié un guide sur la flore des bords de mer de Guyane, parmi d’autres travaux remarquables.
Quand l’art botanique prend vie : Les talents de dessinateur de Georges Cremers.
Il est également important de souligner ses talents de dessinateur, qui lui ont permis d’illustrer ses publications de très belles planches de ptéridophytes et des autres groupes sur lesquels il a travaillé.
Explorateur passionné et gardien de l’Herbier de Guyane.
En parallèle de son travail de recherche et de publication, il a géré quotidiennement les activités de l’herbier de Guyane. Cela incluait la réception des récoltes, la gestion des collections, ainsi que l’accueil des visiteurs et des scolaires. (Ci contre, Georges Cremers devant l’entrée de l’Herbier IRD de Guyane, Cayenne, juin 2000. © Michel Hoff)
De plus, il a participé à de nombreuses missions de terrain aux côtés de botanistes réputés tels que Scott Mori du New-York Botanical Garden, Marion Jansen-Jacobs et Anne Görts-van-Rijn d’Utrecht, Michel Hoff de l’IRD, Lucile Allorge du Muséum national d’Histoire naturelle de Paris, et bien d’autres encore. Ces missions qui, à l’époque, étaient de véritables expéditions aventureuses longues et exigeantes, les ont menés de la zone côtière jusqu’aux sommets les plus élevés de la Guyane, tels que le Sommet Tabulaire ou les monts Bellevue de l’Inini.
La base de données Aublet, pionnière en France et dans le monde.
La base de données de I’Herbier du Centre ORSTOM de Cayenne, baptisée « AUBLET », en l’honneur du botaniste français Fusée-Aublet ayant écrit la première « Flore de la Guiane françoise » en 1774, fut la première base de données d’un herbier en France (et même dans le monde). Fruit de la collaboration entre Georges Cremers et Michel Hoff, elle rassemblait les informations de 50 000 spécimens de Guyane au moment de sa création en 1986, pour devenir en 1997 « Aublet2 », qui compte aujourd’hui plus de 200 000 enregistrements consultables en ligne via la plateforme Pl@ntNet-Publish accessible ici CAY.
La banque de données de I’Herbier du Centre ORSTOM de Cayenne, baptisée « AUBLET », en l’honneur du botaniste français Fusée-Aublet ayant écrit la première « Flore de la Guiane françoise » en 1774.
Le précieux héritage botanique de Georges Cremers.
Les récoltes de Georges Cremers provenant de divers pays, dont la Côte-d’Ivoire, Madagascar, la Guyane et les Antilles, comptent 15 518 spécimens, dont 11 663 déposés à l’herbier de Guyane (CAY). Des duplicata de ces spécimens ont également été déposés dans de nombreux herbiers internationaux, tels que BBS, BRG dans les Guyanes, MO, NY, UC, US aux États-Unis, ou encore B, BR, K, L, P, Z en Europe. Ces récoltes offrent un aperçu précieux de la flore générale, avec une forte représentation des Melastomataceae et des Ptéridophytes.
En 2003, Georges Cremers s’est vu dédier un genre dans la famille des Gesneriaceae par ses collègues Christian Feuillet et Larry Skog : le genre Cremersia Feuillet & L.E.Skog, comprenant l’espèce unique Cremersia platula Feuillet & L.E.Skog.
Une contribution botanique remarquable : 19 taxons décrits et 25 espèces dédiées de Madagascar à la Guyane »
Georges Cremers a décrit 19 taxons, principalement des Phanérogames, dans différents genres. Parmi ceux-ci se trouvent des espèces d’Aloe et d’Euphorbia de Madagascar. Pour la Guyane, Il a décrit : Epidendrum bakrense Hágsater & Cremers, Miconia ceramicarpa var. crozieriae Cremers & C.V.Martin, Passiflora crenata Feuillet & Cremers et Passiflora plumosa Feuillet & Cremers. En ce qui concerne les Ptéridophytes des Guyanes, il a décrit : Blechnum gracile Kaulf. var. pilosum Boudrie & Cremers, Diplazium roraimense Cremers & K.U. Kramer, Hypolepis krameri Schwartsb., Boudrie & Cremers, Lindsaea lancea var. submontana Boudrie & Cremers et Saccoloma elegans subsp. chartaceum G.B.Nair ex Cremers & K.U.Kramer.
Pas moins de 25 espèces lui ont été dédiées , dont 7 de Madagascar et presque toutes les autres de Guyane. Elles portent toutes l’épithète cremersii. Parmi elles, on compte 3 espèces d’Araceae, une espèce d’Aristolochiaceae, une espèce d’Asclepiadaceae, 2 espèces de Bignoniaceae, 2 espèces de Boraginaceae, une espèce de Bromeliaceae, 3 espèces d’Euphorbiaceae, une espèce d’Asphodelaceae (du genre Aloe), une espèce de Melastomataceae (dans le genre Leandra, transférée ultérieurement dans le genre Miconia), une espèce de Moraceae, 2 espèces d’Orchidaceae, ainsi que 3 espèces de Bryophytes et une espèce d’Hépatique. Enfin, on trouve également 3 espèces de fougères, dont Asplenium cremersii Viane (de Madagascar) qui lui a été dédiée par son ami Ronnie Viane, Elaphoglossum cremersii Mickel (endémique de Guyane) dédiée par John Mickel, et enfin Adiantum cremersii Boudrie & J.Prado, la plus récente et originaire du Guyana, dédiée avec grand plaisir par Jefferson Prado et son ami et compagnon de « fougères » de longue date Michel Boudrie.
Dans les Melastomataceae, il convient de souligner, non sans un petit clin d’œil complice et amusé, la combinaison Miconia ceramicarpa var. crozieriae Cremers & C.V.Martin dédiée par Georges Cremers et Claire Martin de Foresta à leur amie Françoise Crozier. Pour finir, il a été auteur ou co-auteur de 43 combinaisons, notamment dans les Euphorbiaceae de Madagascar, mais aussi dans les ptéridophytes avec 14 où lui et Michel Boudrie sont associés, notamment pour les taxons nouveaux qu’ils ont décrits ensemble. Sans compter le grand nombre de ses spécimens qui ont été choisis comme types de nouveaux taxons par différents auteurs.
Sa détermination sans faille, sa persévérance, son sens aiguisé de l’observation et son respect scrupuleux de la nomenclature, ainsi que sa passion ardente pour la botanique, ses talents artistiques à travers ses dessins et son immense connaissance ont été unanimement salués par les botanistes. En témoignage de son travail impressionnant et remarquable, la Société botanique de France lui a décerné en 2022 le prestigieux « Prix Gandoger de Cryptogamie ».
Un immense merci à Michel Boudrie pour avoir rédigé l’éloge de cet événement, qui a servi de base à la rédaction de cet article. Nous tenons également à exprimer notre profonde gratitude envers tous ceux qui ont apporté leur aide. Votre collaboration nous a permis de rendre hommage à Georges Cremers, qui nous a tant appris à tous et qui a su cultiver une amitié sincère et précieuse à travers les années avec chacun d’entre nous.
Sources
Sambin A. & Ravet E., 2021. – Les Orchidées de Guyane. Editions Biotope, Mèze, 672 p.
Viane R.L.L., 2021. – Aspleniaceae of Madagascar. D/2021, Ronald Viane (Ed.), 247 p. et 140 fig., ISBN 978-9-4642095-0-1.
Citations scans spécimens d’herbier
MNHN, Paris (herbier P) : Muséum national d’Histoire naturelle, Paris (France) ; Collection : Plantes vasculaires (P) :
– Spécimen P00536373 : http://coldb.mnhn.fr/catalognumber/mnhn/p/p00536373
– Spécimen P00398957 : http://coldb.mnhn.fr/catalognumber/mnhn/p/p00398957
– Spécimen P02194669 : http://coldb.mnhn.fr/catalognumber/mnhn/p/p02194669
Herbier IRD de Guyane, Cayenne (herbier CAY) : https://doi.org/10.23708/herbier-guyane-ird.
NMNH, Washington (herbier US) : https://collections.nmnh.si.edu/search/botany/